L’exposition virtuelle à la nature encourage-t-elle les comportements pro-environnementaux ?

Consommer moins et mieux, se déplacer en transport en commun, produire moins de déchets et les trier correctement… Favoriser l’émergence de comportements pro-environnementaux chez les individus constitue un défi majeur et urgent face au changement climatique. Les motivations pour agir dans l’intérêt de la planète sont très diverses et peuvent être propres aux individus ou stimulées par des facteurs externes ou sociaux. Les pouvoirs publics peuvent en effet avoir recours à de multiples leviers pour encourager les comportements durables.

De manière globale, l’individu est sensible au contexte dans lequel il prend ses décisions. Nous savons aussi que notre état émotionnel n’est pas neutre dans la lutte contre le réchauffement climatique et que la nature influence directement et positivement à la fois notre état physique et psychologique.

Les individus évoluent le plus souvent dans un environnement urbanisé et passent une grande partie de leur temps loin de la nature, en raison de leurs activités professionnelles et personnelles. Cela contribue à une déconnexion physique et psychologique avec la nature alors que favoriser cette connexion pourrait promouvoir la réalisation de comportements pro-environnementaux.




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Nous nous sommes demandé si le fait de favoriser la connexion à la nature pourrait stimuler le sentiment d’appartenance à la biosphère, et inciter les individus à être plus enclins à protéger l’environnement. Le cas échéant, cela constituerait une stratégie efficace et peu coûteuse. Nous avons donc étudié l’impact potentiel d’une exposition virtuelle à la nature (via le visionnage d’une vidéo) sur les comportements pro-environnementaux.

L’expérience en laboratoire

Nous testons ce lien de causalité dans le cadre d’une expérience en laboratoire où 113 sujets regardent une vidéo de 12 minutes. En fonction du traitement expérimental dans lequel ils se trouvent, les sujets visionnent soit une vidéo présentant un environnement urbain (extrait d’un documentaire sur l’architecture de la ville de New York), soit une vidéo présentant un environnement naturel (extrait du documentaire Wild Yellowstone réalisé par la chaîne National Geographic).

Pour évaluer l’impact, nous étudions deux décisions réelles effectuées suite au visionnage : une décision monétaire, correspondant à un don auprès d’une ONG de protection de l’environnement, puis une décision non monétaire, en l’occurrence un éco-geste de recyclage de charlottes hygiéniques pour un casque audio.

Nous avons inclus dans le protocole expérimental un questionnaire pour évaluer la conscience écologique des participants (échelle New Ecological Paradigm). Cet outil mesure les attitudes à l’égard de la nature, de sa sauvegarde, des menaces qui pèsent sur elle, et des comportements humains à proscrire ou à encourager pour sa préservation. Il permet de classer les individus en fonction du niveau de leur conscience écologique. Chaque individu obtient un score moyen compris entre 1 (aucune conscience écologique) et 5 (très forte conscience écologique). En s’appuyant sur la procédure Johnson-Neyman, nous avons scindé l’échantillon en deux groupes : les individus avec une conscience écologique relativement faible (inférieur à 4), et ceux avec une conscience écologique relativement élevée (supérieur ou égal à 4).

Un impact fort sur les personnes à conscience écologique faible

L’analyse des réponses collectées lors de cette expérience démontre qu’une exposition virtuelle à la nature augmente à la fois le don monétaire (+0,83 euro en moyenne sur une gamme de dons possibles comprise entre 0 et 10 euros) et l’éco-geste (+15 %) par rapport aux sujets virtuellement exposés à un environnement urbain. Autrement dit, l’exposition à la nature agit à la fois sur la disposition à faire un effort financier, ainsi que sur la disposition à faire un effort physique en faveur de l’environnement.

Le résultat particulièrement intéressant de cette expérience est que l’accroissement de comportements pro-environnementaux provient principalement des individus qui déclarent au préalable avoir une conscience écologique relativement faible. Au sein de ce groupe, après le visionnage d’une vidéo sur la nature, les dons augmentent de 1,47 € en moyenne, et plus de la moitié des individus effectuent l’éco-geste.

Un autre point à noter est que nous n’avons pas trouvé d’effets d’entraînement entre le don monétaire et l’éco-geste. En d’autres termes, le fait de donner n’augmente pas ou ne diminue pas la probabilité d’effectuer un éco-geste.

Démêler les raisons de cet impact

Pour nous assurer de la pertinence de nos résultats et bien comprendre les mécanismes à l’œuvre, nous avons intégré dans notre protocole expérimental deux vérifications de robustesse.

Nous avons vérifié que l’impact provenait de la thématique de la vidéo présentant un environnement naturel et non de sa composante émotionnelle. Pour cela, nous avons réalisé une expérience de contrôle avec un nouveau groupe. À la place de la vidéo présentant un environnement naturel, les participants ont visionné une succession de scènes tirées de films sans aucune référence à la nature, mais générant le même type d’émotions positives (Bruce Tout-Puissant, Sister Act, Ce que veulent les femmes, Wall-E). Il apparaît que pour un même type d’émotions ressenties, le don est significativement plus fort lorsque les sujets visionnent une vidéo qui fait référence à la nature (+1,13 euro en moyenne).

En 2009, de nombreux observateurs se sont demandé si la diffusion du film Home deux jours avant les élections européennes avait stimulé les votes pour le parti Europe Ecologie.

Nous avons également examiné si la thématique « naturelle » de la vidéo avait une influence sur le choix du destinataire du don. Pour cela, nous avons réalisé une autre expérience de contrôle avec un nouveau groupe, en leur proposant de faire un don à une ONG humanitaire n’opérant pas dans le domaine de la protection de l’environnement. Nous avons constaté que, quel que soit le champ d’action de l’ONG, le montant du don n’est pas significativement différent.

De la nature virtuelle en ville ?

Dans l’ensemble les résultats de cette expérience semblent démontrer qu’il existe un impact positif d’une exposition virtuelle à la nature sur les comportements pro-environnementaux. Les implications politiques sont nombreuses. Les décideurs publics pourraient avoir recours à des solutions ludiques et facilement accessibles, s’apparentant à des coups de pouce/nudges verts, où l’individu serait exposé de manière répétée voire permanente à la nature. Les colonnes de tri, les bus et tramway pourraient par exemple être habillés d’images rappelant la nature. Ces solutions sont en général peu coûteuses, non contraignantes, et faciles à mettre en œuvre.

Ce type de solutions est complémentaire de la renaturalisation urbaine en réduisant la distance vers des espaces verts urbains, en installant des jardins partagés, en plantant plus d’arbres pour lutter contre les îlots de chaleurs, ou en créant des murs végétalisés. Combiner des solutions virtuelles et des solutions opérationnelles peut créer des synergies positives permettant de reconnecter les individus vers la nature, et ainsi promouvoir des comportements pro-environnementaux.

The Conversation

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

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