Climat : comment revenir à un taux de CO₂ tolérable ?

13 février 2019 par Armelle Carnet Lebeurrier Débats 60 visites

Consommation excessive, forte croissance démographique : en 2012, le WWF indiquait qu’avec son empreinte écologique actuelle l’humanité aurait besoin en 2030 de deux planètes pour subvenir à ses besoins. Mais de planète, il n’en existe qu’une.

Le concept de limites planétaires a été développé par une équipe internationale de 26 chercheurs en 2009 dans le but de proposer un cadre commun d’évaluation des impacts des activités humaines sur la planète.

Ce travail désigne et précise les limites au-delà desquelles ces activités risqueraient d’affecter significativement le fonctionnement et la stabilité de la planète, menaçant l’avenir même de l’humanité. Ces limites sont au nombre de 9 et concernent des domaines variés, allant de la disponibilité de l’eau au changement climatique.

Limites planétaires selon le rapport de Rockström et coll. publié dans Nature en 2009. Les zones en rouge représentent l’état actuel estimé et le cercle vert définit les limites estimées. Wikipedia, CC BY-SA

Le seuil du tolérable pour le climat

La limite liée au changement climatique se base sur le maintien d’un certain taux de CO2 dans l’atmosphère. Si ce gaz à effet de serre y est naturellement présent, sa concentration toujours plus forte depuis le XIXe siècle est en grande partie imputable aux activités humaines (via la combustion massive de ressources fossiles comme le pétrole ou le charbon) ; cette concentration conduit à un renforcement de l’effet de serre qui provoque une hausse des températures. Elle participe également à l’acidification des océans.

Pour éviter les conséquences irréversibles de ce réchauffement, les scientifiques ont ainsi établi qu’il faut maintenir le taux de CO2 dans l’atmosphère en dessous du seuil des 350 ppm (parties par million en volume de molécules d’air) ; ces niveaux correspondent à ceux du stade préindustriel (avant 1850), garantissant de faibles impacts environnementaux.

Or en 2017 – soit deux ans après la signature de l’Accord de Paris dont l’objectif est de maintenir le réchauffement global en dessous des 2 °C d’ici à la fin du XXIe siècle – ce taux dépasse toujoursles 400 ppm. Cette valeur a été atteinte en 2013 et continue d’augmenter du fait des activités humaines, transports et industrie en tête.

L’autre limite identifiée par les spécialistes concerne le seuil de 550 pm, au-delà duquel les conséquences s’avéreront catastrophiques (fonte des glaces, manque de disponibilité en eau pour l’humanité, etc.).

Entre ces deux seuils se situe une phase transitoire dans laquelle nous nous trouvons : ici, les effets sur l’environnement se manifestent graduellement, à l’image de la disparition progressive de la grande barrière de corail en Océanie.

Dessiner des trajectoires

Dans un article paru récemment dans la revue Nature Scientific Reports, nous avons montré que malgré les différents accords internationaux (dont le Protocole de Kyoto de 1997 et le récent Accord de Paris), la concentration de CO2 continue sa progression quasi-exponentielle.

Face à cette situation, au lieu de proposer des solutions optimales qui ont peu de chances d’être appliquées, nous avons identifié un ensemble de solutions plus ou moins ambitieuses. Elles permettent d’envisager comment maintenir la concentration de CO2 en dessous de 550 ppm, puis comment espérer revenir à 350 ppm.

Cet ensemble de solutions permet d’envisager tous les cas : ce qui se passe si nous agissons tout de suite ou si l’action est différée (comme le fait craindre la sortie de Washington de l’Accord de Paris). Nous avons également estimé la manière dont cet ensemble d’options s’amenuise au fil temps.

Prenons l’exemple de l’évolution de la concentration de CO2 dans l’atmosphère. La figure ci-dessous présente l’ensemble des possibles en fonction de trois scénarios : si l’on attend 2035 pour d’agir (scénario 2035, en orange) ; si l’on attend 2025 (scénario 2025, en vert) ; si l’on agit tout de suite (scénario 2010, en rouge clair). On peut notamment voir que si nous tardons à agir (scénario 2035), nous atteindrons au minimum 538 ppm (en 2055) alors que si nous agissons tout de suite (scénario 2010), nous pouvons limiter ce pic de CO2 à 440 ppm en 2035.

Ensemble des évolutions possibles de la concentration de CO₂ dans l’atmosphère, en imposant une limite supérieure de 550 ppm. Jean‑Denis Mathias

Toujours à titre d’exemple, prenons cette autre figure qui se concentre sur le taux de réduction possible des émissions de CO2 dans l’atmosphère. On voit que si nous agissons dès maintenant, une réduction de 33 % de ces émissions d’ici à 2055 sera suffisante pour limiter le CO2 à 550 ppm en 2100. En revanche, si nous attendons 2035, cette réduction devra atteindre les 46 %.

Ensemble des évolutions possibles de réduction des émissions de CO₂ afin de ne pas dépasser une concentration de CO₂ de 550 ppm dans l’atmosphère. Jean‑Denis Mathias

La réduction des émissions ne suffira pas

Quant à revenir à un taux autour des 350 ppm en 2100, cela ne semble pas possible avec la seule réduction des émissions, même si celle-ci est drastique et immédiate.

Pour atteindre cet objectif, il faudra réaliser en plus 10 % d’émissions « négatives » d’ici à 2060. Ces émissions dites « négatives » consistent àcapter le CO₂ de l’atmosphère grâce à de nouvelles méthodes de géoingénierie qu’il va falloir développer dans les années à venir.

Ne rien faire aujourd’hui limite notre future capacité d’action. La balle est désormais dans le camp des décideurs publics pour orienter les prochaines politiques climatiques et les programmes de recherche dans le domaine de la géo-ingénierie.

Auteur : Jean-Denis Mathias - Chercheur en modélisation, Irstea
Source de l’article : The Conversation - 28/06/17 - Climat : comment revenir à un taux de CO₂ tolérable ?

Échelle(s) spatiale(s) de l’action

Licence : CC by-sa

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