L’Université de Rouen Normandie maintient le cap sur la biodiversité

5 septembre 2022 par Rachel Hébert Lafontaine Témoignages 72 visites

L’université porte deux missions fondamentales, la formation et la recherche. Mais en tant qu’établissement public ouvert sur le monde, elle se doit d’être exemplaire sur toutes les thématiques d’intérêt général et elle ne peut aujourd’hui se soustraire à l’intégration des enjeux de biodiversité à ses attributions. Concernant l’Université de Rouen Normandie, le sujet est au cœur de ses engagements depuis plus de 10 ans et se lit aujourd’hui dans son quotidien.

Pour faire un rapide état des lieux : sur leurs 81 hectares, nos 7 campus n’échappent pas au gradient perte de biodiversité/densité urbaine et avec 60 % d’espaces artificialisés, il sont sous-fréquentés par le vivant (hors humain biensûr !) Les statistiques sont très faibles concernant les mammifères, les oiseaux et les insectes. La diversité floristique se révèle très progressivement depuis qu’un plan de fauche bisannuel a été mis en œuvre en 2013.
On rencontre tout de même une petite variété de milieux : boisements plus ou moins clairs d’espèces locales ou non, landes, pelouses en gestion différenciée ou tondues, quelques haies et des massifs de plantations. On relève même quelques zones d’intérêt particulier : quelques arbres anciens dans les boisements, des landes à callune et des pelouses à orchidées.
Depuis 2013, une gestion en faveur de la biodiversité est largement engagée : les produits phytosanitaires ont été abandonnés, des zones de fauche bisannuelle ont été délimitées et de gros efforts de sensibilisation de la communauté universitaire ont été mis en œuvre.
Pour résumer les enjeux sur la biodiversité auxquels est confrontée l’Université de Rouen Normandie et son Service développement durable et responsabilité sociétale, ils sont avant tout environnementaux bien sûr, à l’échelle locale comme à l’échelle globale. Mais ils sont aussi sociaux. Personnels comme population étudiante doivent pouvoir s’approprier la thématique sans nuire à leurs intérêts particuliers, mission professionnelle ou étude. Le travail sur le vivant en milieu urbain est aussi une passerelle vers une réelle amélioration de la qualité de vie au travail.
Les enjeux sont enfin culturels. La sensibilisation au vivant doit permettre l’émergence et le développement d’une culture de la nature chez les membres de la communauté universitaire. Il faut viser le renforcement des connaissances sur le sujet pour que chacun puisse contribuer au développement des savoirs sur la biodiversité, les écosystèmes et l’écologie.
Considérant les réalités propres à l’établissement en compte, quelles approches de gestion environnementale adopter ? Comment préserver et favoriser la biodiversité sur ses territoires ? Comment valoriser au mieux ces actions et sensibiliser les publics ?

Cette dernière année, nous nous sommes engagés sur trois axes de travail : protéger et aider au développement de la faune des campus en installant un maillage conséquent de nichoirs, poursuivre le développement et la protection des espaces verts à travers une gestion différenciée affinée et le projet d’une prairie fleurie de 8000 m2. Et enfin, valoriser les projets et développer les sciences participatives par le biais d’un ensemble d’actions de communication.

1. Déploiement de nichoirs :

Les populations d’oiseaux, en particulier en milieu urbain s’effondrent et l’urgence est à leur protection. Un des campus n’abritait même que 6 espèces nicheuses en 2020 !
Sur un territoire donné, plusieurs facteurs entrent en jeu :
  la ressource alimentaire
  des zones de protections des prédateurs
  apporter des lieux de reproductions.

La ressource alimentaire est faible sur le campus. On manque de plantes fruitières ou en graines et d’insectes. Pour augmenter leur disponibilité, on travaille sur la fauche tardive (qui permet de laisser les herbacées en graine jusqu’à la fin de la saison) et le développement de prairies fleuries, ainsi que sur la plantation de haies fruitières (sorbier, viorne, groseillier, prunellier…) et la libre évolution de sous-bois (ronces, lierre). Augmenter les populations d’invertébrés passe aussi par la fauche tardive, la prairie fleurie et globalement la mosaïque de milieux.

La question des prédateurs est un sujet délicat. Aujourd’hui, le principal prédateur des oiseaux en milieu urbain, c’est le chat domestique, sélectionné et introduit par l’humain. La gestion des populations est compliquée et la législation est encore assez peu efficace sur le sujet. Lorsque propriétaire il y a, ils ne sont pas toujours prêts à entendre le poids que leur animal pèse sur la biodiversité. Et il n’y a pas d’accompagnement systématique des établissement publics sur le sujet. Il faut donc se contenter de protéger autant que possible les oiseaux et de rappeler les bases sur la stérilisation ou l’alimentation des félins domestiques au grand public.

Concernant la disponibilité de lieux de reproduction, l’URN a mis en œuvre depuis 2 ans le plus grand plan de déploiement de nichoirs proposé par un établissement d’enseignement supérieur. C’est en tout 80 nichoirs qui ont été installés sur les campus qui s’y prêtaient, en fin d’hiver.

Avant l’installation, nous avons procédé, accompagnés de la LPO, à un diagnostic (relevé des différents milieux, inventaire des espèces présentes), conçu le plan de déploiement (selon les milieux, les distances minimales entre nichoir par espèce, etc.), commandé les 80 nichoirs puis procédé à leur installation.
Nous assurons depuis un suivi protocolé : une visite par mois et par nichoir au lever du jour pendant 5 minutes, en avril, mai et juin. Et en octobre-novembre, les nichoirs sont vidés et nettoyés avant d’être reposés. C’est aussi l’occasion de rassembler des données de fréquentation.

Les projets associés aux processus naturels comme la reproduction des espèces sont toujours difficiles à évaluer en quelques mois. C’est sur plusieurs années qu’on peut avoir des données fiables. Mais nous sommes tout de même très heureux d’annoncer que nos premières nichées de mésanges se sont envolées il y a quelques jours. Jusqu’à présent, un peu moins d’un nichoir sur 6 est ou a été occupé. Nous publierons les taux d’occupation à l’automne.

2. Gestion des espaces non-artificialisés

> La fauche tardive :

L’Université de Rouen Normandie met en œuvre deux approches de gestion des milieux prairiaux de l’Université : la tonte et la fauche tardive.
La tonte est mise en œuvre dans les espaces enherbés au cœur du campus et sur les petites surfaces matériellement compliquées à faucher.
Le fauchage tardif consiste laisser apparaître spontanément une végétation sauvage. La fauche est réalisée le plus tardivement possible (en septembre voire octobre), elle est nécessaire une fois par an pour maîtriser la pousse des ronces et des ligneux. Cette technique est celle qui est la plus avantageuse en termes de biodiversité et de gain de temps au niveau de la mise en pratique et de la gestion.

Néanmoins, il peut donner une impression de mauvais entretien. C’est un mode de gestion qui nécessite des efforts importants de communication, en concertation interne comme en communication à l’attention de tous les publics (panneaux d’affichage, par exemple). L’Université a fait le choix d’une bordure de 2 mètres tondue autour de chaque espace de fauche pour signifier le caractère volontaire de l’absence de fauche jusqu’à octobre et de l’implantation de panneaux pédagogiques en accompagnement des zones de fauche.

Limiter le nombre de fauchages à un seul passage annuel et le réaliser en fin de saison permet aux plantes de croître, fleurir et fructifier, ce qui bénéficie à l’espèce elle-même, aux pollinisateurs sauvages et à toutes les espèces animales granivores en fin de cycle. En laissant la végétation pousser, on permet également à de nouvelles espèces végétales d’avoir le temps de se développer et à d’autres de s’implanter (notamment les plus fragiles comme les orchidées), et avec elle leur cortège de nouveaux pollinisateurs. Le couvert végétal sera un endroit de quiétude pour beaucoup d’animaux qui s’y reproduiront. Les hautes herbes permettent aux insectes (papillons de nuit, coléoptères, criquets…) de se protéger des prédateurs et de la chaleur. Elles abritent aussi toute une petite faune tels que les rongeurs ou les reptiles.
En résumé, cette technique de gestion permet le développement d’un écosystème particulièrement riche.

> Projet de prairie fleurie :

À l’Université de Rouen Normandie, un espace enherbé de près de 8000 m2 cherchait sa vocation depuis plusieurs années maintenant. Anciennement piste d’athlétisme de l’INSPE, ce terrain au cœur de Mont-Saint-Aignan est peu fréquenté et jamais traversé (piétons, vélos…) En revanche, les membres de la communauté universitaire le longent au quotidien. La parcelle présentant une suspicion de marnière, tout projet immobilier est impossible sur l’ensemble de la zone. Nous avons souhaité lui attribuer de nouvelles fonctions, en partenariat avec l’association naturaliste des étudiants normands, pour le réinscrire dans le fonctionnement écosystémique local.
Le projet est d’y semer et d’y entretenir une grande prairie fleurie pour favoriser la réinstallation d’une faune invertébrée, en particulier de pollinisateurs sauvages. Leur déclin est alarmant et il nous semblait pertinent de leur consacrer cet espace.
Le sol y est assez pauvre, ce qui est favorable à l’installation d’une flore variée. Nous allons réaliser les inventaires initiaux au mois de juin puis préparer le sol dès cet automne et enfin semer des graines locales favorisant les pollinisateurs sauvages. Les premières fleurs devraient pointer leurs coroles au printemps prochain.

3. Valorisation et sciences participatives

L’implication du public dans l’observation active d’une nature proche et concrète est une voie royale pour l’amener à devenir acteur de sa protection. Tous nos projets sont des tentatives pour faire converger pédagogie, renforcement du lien social et protection de la biodiversité.
Dans cette optique, un code a été inscrit sur chaque nichoir pour permettre à tout observateur de pouvoir transmettre des observations précises par le biais d’une adresse mail.

En parallèle, nous proposons des animations sur les campus à l’attention de la communauté universitaire qui sont l’occasion de sensibiliser aux actions en faveur de la biodiversité menées par l’Université : présentation des nichoirs, des différents milieux et des enjeux de biodiversité sur le campus, visites destinées aux personnels ou aux étudiants selon les périodes de l’année… L’occasion est idéale de discuter identification des plantes, des insectes, des oiseaux et de transmettre l’existence des protocoles simples et rigoureux de suivi participatif du Muséum national d’histoire naturelle ou le principe du suivi des nichoirs sur les campus.

Nous travaillons également à augmenter le nombre de panneaux pédagogiques le long de la prairie fleurie et des espaces de fauche.
Enfin, nous essayons de cultiver les rencontres avec le public à l’occasion de diverses manifestations avec nos partenaires sur des thématiques qui nous concernent.
Avant de conclure, un axe de travail non négligeable est étroitement lié à toutes nos actions et traverse toutes les thématiques touchant au développement et à la protection de la biodiversité, c’est le travail en partenariat, qu’il s’agisse de projets spécifiques ou de partage d’expérience, en termes de veille juridique et scientifique : avec le Conservatoire des espaces naturels Normandie, avec l’INSA, avec la commune de Mont-Saint-Aignan, avec la Métropole, avec la Région Normandie… L’occasion est belle alors de viser des projets plus nombreux et plus ambitieux.

L’Université de Rouen Normandie mène depuis longtemps des projets qui associent gestion de territoire et valorisation auprès de sa communauté. Les perspectives du Service développement durable et responsabilité sociétale sont bien entendu le suivi des actions en cours et leur évaluation. D’autres projets émergent et nous ferons en sorte qu’ils voient le jour : animations avec les enfants du centre de loisirs de l’Université, Fresque de la biodiversité, chantiers de génie écologique avec les étudiants, création d’une mare, pose de nichoirs à chiroptères…

Échelle(s) spatiale(s) de l’action

Voir en ligne : Le site de l’Université de Rouen Normandie en transitions

Licence : CC by-sa

Contacter l’auteur

Une initiative de l’association CIRSES avec un résau de partenaires